La Lucanie

Martha Marchina

Translation

défend ses roses

Si quelqu’un cherche à donner un équivalent aux fleurs de Lucanie,       à ses roses hors du commun, il devra donner des pommes d’or ! Vos jardins ne nous semblent pas dignes de nos fleurs.       Cette Paeste-là1 ne donne pas de pommes, mais, continuellement, des maux. Bolognais, reculez, sur vous les champs de Lucanie l’emportent.       Des fruits ne peuvent pas rivaliser avec des fleurs.

Dans le titre: Ce poème est une réponse à un poème écrit par Bernardino Spada, un “lusus” (un “amusement”) portant sur l’épidémie de peste qui a ravagé le nord de l’Italie entre 1629 et 1631. Dans la lettre qui précède l’épigramme (voir Musa Posthuma, p. 101-102, le Cardinal Spada commence par affirmer que l’épidémie n’est pas si terrible qu’on le dit!). Voici le poème de B. Spada: Est celebris Pæsto Lucania, Felsina peste, / Pæstanisque rosis illa, sed ista malis. / Cedite Felsineis, Lucani, cedite, campis: / Nam nequeunt flores fructibus esse pares. (“La Lucanie est célèbre pour Paestum, Felsina, pour la peste, /La première pour ses roses – de Paestum, la seconde pour ses pommes / Lucaniens, reculez, sur vous les champs de Felsina l’emportent : / des fleurs ne sauraient rivaliser avec des fruits”). L’épigrammatiste a voulu jouer sur les mots: la revendication (plaisante) de la supériorité de Bologne sur Paestum très célèbre, depuis l’Antiquité, pour ses roses, devrait nous faire reconnaître dans malis au v. 2 le datif pluriel de malum, i, n., “pomme”. (Il s’agit peut-être d’une allusion aux pommes utilisées de manière prophylactique pendant la peste: on trouve quelques éléments à ce propos dans Consilio contro la pestilenza de Marsile Ficin). La métrique compromet cependant quelque peu le lusus (à cette place dans le pentamètre, malis a normalement un -a bref); Martha Marchina, répondant à Bernardino Spada au nom de Virgilio Spada à qui lettre et lusus étaient adressés, ne manque pas de le lui signaler (la lettre est publiée après cette épigramme dans Musa Posthuma, p. 102-103; elle juge que le lecteur aura du mal à ne pas lire tout de suite dans “malis” une forme de malus, mala, malum, substantivé, les “maux”). 1 Pestis désigne Bologne. Mais Martha Marchina reprend le jeu phonique que Spada avait fait dans son premier vers entre Paestum et Pestis, un peu comme si Pestis était le nouveau nom de Bologna. Nous essayons de rendre ce jeu en écrivant “Paeste”.

Transcription

La Lucanie

Acknowledgements

La sélection de poèmes qui suit correspond à la sélection que Skye Alta Shirley, fondatrice du Lupercal, a proposé de lire, au rythme d’un poème par soir, pendant 50 jours, du 8 novembre 2020 au 1er janvier 2021, avec un groupe de membres du Lupercal, latinistes volontaires et passionnées. C’était le “challenge Martha Marchina” auquel nous - Océane Puche et Séverine Clément-Tarantino - sommes heureuses et reconnaissantes d’avoir participé.

Les poèmes, qui sont tous ici composés en distiques élégiaques (Martha Marchina a par ailleurs écrit des odes en différents mètres), sont cités d’après l’édition 1701 du recueil intitulé Musa Posthuma qui, comme son nom l’indique, a été publié après la mort de la poétesse. Nous ne savons pas si celle-ci avait mis en ordre ses textes; la préface de l’éditeur indique au moins que c’est lui (Macedo) qui les a dotés de titres; ces titres forment souvent des arguments indiquant les sujets des poèmes ou les citations (bibliques, en particulier) qu’ils abordent ou illustrent. Le texte de l’édition a ici été retranscrit le plus fidèlement possible: quand des questions d’orthographe ou de ponctuation se posent, nous l’avons signalé en note, en expliquant parfois ce que nous fer(i)ons dans une édition moderne. Ajoutons que nous n’avons pas séparé les ae écrits æ dans l’édition citée.

Nous avons beaucoup bénéficié des discussions que nous avons eues, pendant la durée du “challenge”, avec nos amies anglophones. Le travail de traduction s’est cependant fait à part: c’est ce qui explique que, si vous confrontez la version française et la version anglaise de ces 50 poèmes, vous trouverez peut-être des différences, voire des divergences d’interprétation. Nous nous rejoignons tout de même assez souvent, ainsi que dans les notes qui sont parfois le reflet des riches discussions de tout le groupe. Sur ce document en français, nous avons travaillé à deux, mettant en commun nos ébauches de traduction, nos recherches, nos compétences, les émotions que nous avons éprouvées quand nous avons commencé à découvrir cette œuvre extraordinaire.

Ce travail est un début. Nous espérons qu’il contribuera à faire connaître les poèmes de Martha Marchina, que nous continuons de lire en groupe, tous les soirs, depuis début janvier 2021. Nous progressons aussi dans la traduction française de toute l’œuvre, que nous voudrions doter d’un apparat pédagogique pour qu’elle puisse entrer dans les classes et les cursus. Pour l’instant, un travail formidable en ce sens a été réalisé en anglais par Rachel Cunning: on le trouve sur son site “Bombax press”, en suivant le lien: https://bombaxpress.com/teachers-guide-to-martha-marchina-2/ En français, pour commencer à faire connaître la poétesse, nous avons posé les bases d’un article wikipédia dédié à Musa Posthuma: https://fr.wikipedia.org/wiki/Marthae_Marchinae_Musa_Posthuma (il existe également un article en anglais et, par les textes cités en particulier, les deux se complètent).

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